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TERRES D'AQUI

TERRES D'AQUI

Le blog du Cercle d'Histoire et d'Archéologie des Alpes-Maritimes..


LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Publié par ALBIRÉO sur 17 Octobre 2016, 06:35am

Catégories : #sorties CHAAM

Cliquer sur les photos pour les agrandir.

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Dimanche 16 octobre 2016, la butte d'Arluc et San Peyre :


LA BUTTE D'ARLUC

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Peu de vestiges apparents sur le site malgré une riche histoire et beaucoup d'interrogations.

Arluc était un habitat important à l'époque antique. Au XIè siècle, c'était un site d'occupation majeur, supérieur à celui de Cannes.


ÉTYMOLOGIE :

Il y aurait eu sur le site un temple dédié à Venus, entouré d'arbres. Le mont prend le nom de Ara-luci, autel du bois sacré, qui deviendra Arluc.

Autre possibilité : les horrea, édifices de stockage et de rangement mis à jour sur l'emplacement du stade.

 

ÉPOQUE ROMAINE :

La voie romaine du littoral, la voie Aurelienne, semble passer au nord de la butte, mais le seul repère serait le témoignage au XIXè siècle de la trouvaille d'un borne militaire au nord de la gare de triage.

    18/07/1889 : J.P. Revellat constate la présence d'une nécropole romaine à la place des bâtiments d'une ferme, quelques murs détruits, de la céramique Lezoux et la statue de la Vénus Casquée.

    1930 : V. Raimon signale une construction circulaire avec du matériel : tegulae, débris d'amphores italiques lors de travaux dans la cour et sur un bâtiment de la ferme Escanier ( la même que précédemment). Dans un champ voisin, il a fouillé des sépultures sous tegulae, trouvé des urnes funéraires en pierre, des sépultures en amphores, des vases “ globulaires ” à vernis rouge, une lampe du IIIè siècle décorée de la tête d'Isis.

    1950 : lors de la construction de l'aéro-club, Fernand Benoît effectue une fouille de sauvetage qui permet de découvrir une vaste nécropole romaine, juste à côté de l'emplacement supposé du village médiéval.

    1966 : G. Palausi trouve dans une carrière de sable au nord ouest du pont SNCF, sur Le Béal, des fragments d'amphores et de tégulae.

Quelques rares vestiges se cachent sous les arbres. Sur ce site du Quaternaire ou du Pliocène, on trouve surtout du sable. Les pierres viennent donc d'ailleurs : du calcaire, du galet, de la pierre volcanique provenant du volcan de l'Estérel, de la roche métamorphique issue du Tanneron, du grès du Permien.

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Près de la chapelle, une pierre de réemploi au bord d'un talus est un antique contre-poids de pressoir. Un contre-poids à vis réutilisé comme soutien de muret.

Contre-poids de pressoir, à vis, avec le "pas de vis" au centre, "la queue d'aronde" sur le côté

Contre-poids de pressoir, à vis, avec le "pas de vis" au centre, "la queue d'aronde" sur le côté

Plus près de nous, ce bunker allemand de la dernière guerre...

Photos de Claude Lazzerini
Photos de Claude Lazzerini

Photos de Claude Lazzerini

ÉPOQUE MÉDIÉVALE :


Le couvent des religieuses d'Arluc


D'après la Gallia Christiana, recueil compilé par les bénédictins du XVIIIè siècle, aux environs de l'an 616, sous le règne de Clotaire II, roi des Francs, saint Nazaire, abbé de Lérins, fonde un couvent de religieuses sous le vocable de Saint-Étienne à Arluc. La date 630-640 est mentionnée par Michel Compan, et l'abbé Alliez parle de la moitié du VIIè siècle.

Il y aurait eu aussi une église dédiée à saint Jean-Baptiste.

Peu de précisions sur les premières religieuses d'Arluc. Le troubadour Raymond Feraud, lui-même moine de Lérins, rapporte dans un poème écrit en provençal vers la fin du XIIIè siècle la fable de la première abbesse d'Arluc, une princesse de Riez, Hélène. Condamnée au bûcher pour adultère, elle fut sauvée par une relique de saint Honorat que lui avait donné un moine ému de compassion. Elle fit alors pénitence et entra au couvent.


Vers l'an 676, l'abbé saint Aygulfe introduit la règle bénédictine à Lérins, restaure le monastère d'Arluc, nomme Angarisme, originaire de Blois, à la tête du couvent.


Vers l'an 732, les Sarrasins déferlent sur le pays. D'après la légende, l'abbé de Saint-Honorat, Porcaire a été mis au courant de leur arrivée et à réussi à faire partir les plus jeunes habitants de l'île. Cinq cent moines de Lérins, qui ont préféré mourir plutôt que de livrer leurs reliques et trésors, seront massacrés. C'est à cette époque que les religieuses d'Arluc disparaissent des textes.


Arluc est à nouveau mentionné deux siècles plus tard par le pape Benoît VII, dans la bulle du 22 avril 978 qui place Lérins et sa dépendance d'Arluc sous la direction de l'abbé Cluny. Détail curieux : le pape parle de l'île de Lérins et du monastère d'Arluc, ce qui permet de supposer que les religieux, après les épreuves subies du fait des Sarrasins, auraient jugé plus sûr de rester sur le continent.

Le village et le castrum d'Arluc


Un village s'était formé auprès du monastère. L'histoire est résumée dans un inventaire des archives de Lérins.

Le village aurait été bâti au sud de la butte. Vers la fin du Xè siècle, émerge une puissante famille, fondée par Rodoard qui aurait combattu les Sarrasins et obtenu des fiefs pour services rendus. Vers 1030, l'un de ses fils, Guillaume Gruetta, fait donation de tenure rurale ou manse à Arluc, puis, dans un second acte, du quart d'Arluc à Lérins.
À cette époque, les établissements sont différenciés : on distingue “ le Château ”, “ la Villa ”, “ les Moulins ”.
Le Château était situé sur la face est de la butte, les substructions seraient encore visibles.


En 1110, Arluc est érigé en castrum, c'est-à-dire en site fortifié de première importance. La villa, exploitation agricole du domaine ecclésiastique, devait probablement se situer près de la ferme Escanier où la céramique médiévale a été retrouvée en quantité notable. Les Moulins sont encore sont sur Le Béal, à 200 m. au nord de la butte.


En 1390, le village est probablement dévasté par Raymond de Turenne et disparaît. Seul demeure un lieu de culte, incendié entre 1523 et 1524.


Le port d'Arluc


D'après Mr. Durbec, le port d'Arluc avait une grande importance au Haut Moyen-Âge. C'était un débouché maritime pour la ville de Grasse qui négociait au début du XIè siècle des accords commerciaux avec les grandes places de Gênes et Pise. Pour répondre aux exigences du trafic, le comte de Provence donne pouvoir en 1167 aux abbés de Lérins pour y établir une centaine de feux. Des familles toscanes s'y installent.


L'emplacement de ce port nous est à peu près connu. Au XIXè siècle, la digue de protection, de direction est-ouest, était encore visible près de l'aérogare et la tour de contrôle.
Des études géologiques ont confirmé les variations du littoral selon un processus comparable à celui de l'envasement du port de Fréjus. Le littoral actuel est à 1,5 km. de la butte. Ce phénomène va provoquer l'apparition du port de Cannes dès la fin du XIè siècle.

C'est ensuite le déclin :
1190 : on mentionne le transit de sel et de myrtes par Arluc
1200 : juste une mention du Pagus d'Arluc
XIIIè siècle : on ne parle même plus du lieu, dans l'enquête de 1250, il n'est même plus question de la cité ; dans celle de 1297, il est mentionné comme inhabité.
XIVè siècle : Arluc n'est plus que le point de rencontre de nombreux chemins et petites voies d'eau. Il est à côté de la Voie Méjane (tracé de l'antique voie romaine).
XVè siècle : le nom d'Arluc survit encore. C'est à ce moment que s'installe l'ermitage actuel.

La mer arrivait à peu près au niveau de la flèche rouge. Le port d'Arluc devait se trouver sous la butte

La mer arrivait à peu près au niveau de la flèche rouge. Le port d'Arluc devait se trouver sous la butte

RENAISSANCE :


La confrérie de Saint-Cassien apparaît en 1653 ; une chapelle champêtre et un ermitage sont construits sur le site d'Arluc qui sera à nouveau ravagé lors de la guerre de Succession d'Autriche en 1746.

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE
LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Sources :

    De l'empire au XIIè siècle : une cité disparue, Arluc à Cannes – Michel COMPAN

    Saint-Cassien de Cannes – Constant BIANCHI

    Cannes et Arluc révélés par les textes les plus anciens – Ernest HILDESHEIMER

    (ANN de la SSLCG 16)

    Les îles de Lérins, Cannes et les rivages environnants – Abbé L. ALLIEZ

Et bien sûr, les sources orales des organisateurs de la sortie, Denis et Benedict.

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SAN PEYRE

 

San Peyre et Arluc sont complémentaires.

Un peu d'histoire :


Entre Saint-Cassien, Arluc et La Napoule se trouvait un vaste marécage dit “ L'Étang ” où venait s'étaler la “ Maïre vieille ”, l'ancienne Siagne ; on y cultivait le riz au XVè et XVIè siècles bien que les eaux pestilentielles rendaient la région quasi-inhabitable.
Au Moyen-Âge, on vivait de pêche au bord de mer, du transport des pèlerins vers Saint-Honorat, du droit à l'épave. À l'intérieur des terres, c'était la culture du blé, avoine, chanvre, lin, vigne, et de nombreuses ruches. Peu d'oliviers, le terrain n'étant pas favorable ; l'huile était échangée avec Grasse et Mougins. On chassait sanglier, cerf, lapin, perdrix. L'exportation du bois, que les bûcherons amenaient par flottage ou radeau sur la Siagne, favorisaient un important trafic.


Quelques dates :
Avant l'an 1000, Avignonet faisait partie du diocèse de Fréjus.
1030 : son “ quartier de Mandelieu ” est donné à Lérins et passe au diocèse d'Antibes.
1134 : tout Avignonet passe à Antibes.
1291 : Mandelieu passe au chapitre de Grasse, La Napoule à l'évêché de Fréjus.

L'embouchure de la Siagne

L'embouchure de la Siagne

 San Peyre était tombé dans l'oubli quand, en 1950, un incendie a permis de mettre à jour des murailles et une enceinte fortifiée.

 

LE CHÂTEAU D'AVIGNONET


Construit avant l'an 1000, à proximité de Notre-Dame d'Avinionet, ses vestiges culminent à 131 m. au sommet du San Peyre.

 

La Grande Poterne

À l'entrée de l'enceinte, nommée "Grande Poterne", on retrouve là aussi un contre-poids de pressoir à vis et... des précisions contradictoires quant au fait que ce serait les Grecs qui auraient amené les oliviers et la vigne, car un pépin de raisin a été retrouvé sur le site de Terra Amata, bien antérieur à l'Antiquité. Cela dit, le pépin pouvait aussi être du raisin sauvage...
Quoiqu'il en soit, le contre-poids, ici, est sans doute une pierre de réemploi.

 

Contre-poids à vis situé à la "Grande Poterne"

Contre-poids à vis situé à la "Grande Poterne"

La chapelle Saint-Pierre

Hors les murs, la chapelle Saint-Pierre où paysans et pêcheurs pouvaient assister à la messe sans entrer dans la cour du château.

Elle présente un parement soigné rappelant les constructions romaines, peut-être les restes de l'ancien temple que la tradition dit avoir élevé à Hermès ou à Mercure sur ce “ Mons Mercori ” cité dans “ Gallia christiana ” ou “ Monte Mercuris ” cité par Eucher, ancien moine de Lérins.
Dans cette chapelle vécurent les ermites Frère François en 1722 et celui que venait voir Guy de Maupassant vers 1889.

On retrouve deux variétés de pierres :
-la rhyolite
-les grès rouge ou vert du Permien

 

La chapelle Saint-Pierre

La chapelle Saint-Pierre

La chapelle Saint-Pierre

La chapelle Saint-Pierre

Vue par dessus la chapelle

Vue par dessus la chapelle

La citerne

Dans la partie basse, au-dessous du château, les vestiges d'une citerne de 2 m. de diamètre.

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Le donjon

Du château, il ne reste que le donjon.

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE
Mur du donjon

Mur du donjon

On retrouve encore un contre-poids de pressoir à vis utilisé pour la construction du donjon

À la base de l'angle du mur, la pierre de contre-poids et sa "queue d'aronde"

À la base de l'angle du mur, la pierre de contre-poids et sa "queue d'aronde"

On remarque des pierres à bossage sur les angles des murs. Le bossage étant impossible sur les rhyolites et  grès, des pierres calcaires ont été utilisées.

 

 

LA BUTTE D'ARLUC ET SAN PEYRE

Enceinte extérieure et muraille d'enceinte protégeaient le château ; sur le rempart nord, courait un large chemin de ronde, soit un système de défense classique des débuts de la féodalité, s'étendant sur 115 m. de long et 50 de large, avec un pourtour de murailles de plus de 300 m, complété par un chemin de fuite.

Quelques seigneurs d'Avignonet :


432 : l'évêque Eucher était seigneur de Théoule et Mandelieu, donc d'Avignonet.
1030 : les fils de Rodoard, Guillaume Gaucéran et Guillaume Gruetta
1130 : Guillaume et Geoffroy de Reillane, petits fils de Guillaume Gaucéran
1162 : seigneur B. d'Avignonet
1233 : Avignonet doit fournit un “ cheval non armé ” comme contribution à l'armée que lève le comte de Provence Raymond Bérenger V.


Puis, ce sera la dynastie des Villeneuve, seigneurs d'Avignonet avant d'être ceux de La Napoule. Le cinquième seigneur d'Avignonet, Guillaume de Tourettes, sera le dernier : le château d'Avignonet sera rasé par Raymond de Turenne en 1390.

Guillaume de Tourettes le reconstruira en bord de mer et deviendra le premier seigneur de La Napoule.

Le château de La Napoule construit au début du XVè siècle.

Le château de La Napoule construit au début du XVè siècle.

Le site connaîtra une deuxième vie en 1590 ; une image de cette époque nous montre le donjon en entier, un bâtiment qui coiffe la citerne et un autre qui correspond à la chapelle.
Dans un mémoire de la première moitié du XVIIè siècle, alors que les Espagnols occupent Lérins, des fortifications sont prévues sur le littoral et San Peyre. Il y aurait eu une forte garnison sur le site qui aurait été restauré au XVIè siècle dans un but défensif.

Vue depuis le donjon

Vue depuis le donjon

Vue depuis le donjon

Vue depuis le donjon

La disparition d'Avignonet


Bien que le nom d'Avignonet soit utilisé de temps en temps par les scribes de Lérins dans leurs mémoires, surtout pour ne pas laisser périmer l'origine de propriété de leurs droits, Avignonet est mort à la fin du XIVè siècle.
Peu d'habitants survécurent après le passage de Raymond de Turenne. Puis, les troupes de Charles Duras pillent et ramènent des prisonniers à Nice ; en 1392, 1394, 1416, 1580, la peste décime la population, ainsi que les incursions de marins niçois, pirates génois, corsaires barbaresques.
Quand le calme revient, il faut repeupler le pays. Des familles de la région génoise viendront ; ils ignorent tout du pays, des anciens noms. Toute tradition a disparu.

 

Un mot sur Notre-Dame d'Avinionet


Elle était en ruine quand le propriétaire construisit une villa à côté appelée “ Notre-Dame du Vigneron ”. En 1958, le propriétaire élève un étage au-dessus de la nef pour en faire son appartement. L'ancienne chapelle a l'apparence d'un immeuble moderne.
Un vaste cimetière l'entourait. Des squelettes furent trouvés lors de travaux. Il paraît même que quand il pleut, os, dents apparaissaient.
La fouille de ce site a montré que l'église médiévale avait repris l'emplacement d'un site antique.
L'église était isolée, à proximité d'une grande route. Les églises, peu nombreuses, servaient un vaste territoire. Notre-Dame d'Avinionet est à mi-distance de Théoule Miramar, Mala Veila au sud, Mandelieu Capitou au nord, Avignonet La Napoule Tanneron en est-ouest.

Vue depuis San Peyre : Notre-Dame d'Avinionet se trouvait quelque part...

Vue depuis San Peyre : Notre-Dame d'Avinionet se trouvait quelque part...

Sources :

Le site d'Avignonet de Théoule à Mandelieu par Maurevieille et la Napoule - Jean AULAS

(ANN de la SSLCG 16)

Annales de la Société Scientifique et Littéraires de Cannes et de l'arrondissement de Grasse

(ANN de la SSLCG 19)

Et toujours les sources orales des organisateurs de la sortie, Denis et Benedict.

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Merci à eux pour leur sympathique et érudite prestation !

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R
Bonjour, <br /> Votre photo qui montre le château de la Napoule est plutôt celui d'Agecroft construit en 1918. Le château de la Napoule est lui en bord de mer près du port.
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