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Dimanche 12 mars 2017 : Visite du hameau de Roquebillière, de la chapelle Saint-Sébastien, puis de Coaraze.
- LE HAMEAU DE ROQUEBILLIÈRE
On accède au hameau par une succession de lacets sur une piste caillouteuse. Cette piste a été faite en 1965. Avant, il n'y avait qu'un chemin muletier reliant Châteauneuf-Villevieille à Bendejun. C'est un chemin très ancien qui garde encore quelques tronçons pavés.
Le hameau est habité par quatre familles venues s'installer en 1979. Nous sommes accueillis par Anne-Marie Dubois et son ami et voisin dont j'ai perdu le nom, désolée...
Au XIXe siècle, le domaine appartenait au Cavalier Camous. Après-guerre, la famille italienne Orlandini y a vécu en s'occupant des oliviers. La famille avait fui l'Italie de Mussolini. Pendant les années de guerre, le père a travaillé en France comme charbonnier. Après-guerre, la famille est arrivée au hameau de Roquebillière, entouré d'oliviers. Le père a préféré les exploiter plutôt que de les transformer en charbon de bois.
Au XIXe siècle, l'exploitation des oliviers a entraîné la construction d'un moulin à huile.
La roue à aubes, alimentée par l'eau d'un grand bassin de 300m cubes, devait faire tourner la meule. Mais il semble que ce système ne devait pas fonctionner correctement vu la taille de la meule. L'utilisation de la traction animale est probable.
Aujourd'hui, le moulin s'est transformé en salle de fête chaleureuse avec ses instruments de musique attendant les musiciens, ses sofas et coussins colorés égayant les vieilles pierres...
À l'extérieur, en cascades sur les restanques, les bassins...
Le premier bassin récupérait l'eau du moulin. Les autres étaient les bassins de décantation de l'huile.
Un superbe conduit souterrain amenait l'huile au second bassin.
Nous traversons le hameau pour rejoindre le vieux chemin muletier. Paysage serein, printemps fleuri, portique délicat, cheval curieux nous accompagnent...
Depuis le vieux chemin, vue sur le hameau, ses restanques, ses oliviers.
Plus loin, le château de la Gardiola et au-dessus, Coaraze perché. Le château de la Gardiola est situé sur l'ancienne route du sel vers Coaraze. Il appartenait à la famille Orestis.
Gardiola signifie "de la garde", soit "regarde". De la tour du château, on pouvait surveiller la vallée jusqu'à la mer et la route du sel.
En bas, dans la vallée, le château de Rémorian, aujourd'hui inhabitable.
Ces châteaux - La Gardiola et Rémorian - appartenaient à la noblesse niçoise qui, l'été, fuyait la chaleur de la côte et venait se mettre au frais à la montagne.
La visite du hameau de Roquebillière s'achève devant le bassin qui alimente les habitants en eau. L'eau provient d'une source située à environ 1,5km.
Pause pique-nique féerique sous les oliviers, puis direction chapelle Saint-Sébastien.
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- LA CHAPELLE SAINT-SÉBASTIEN
Avant de pénétrer dans la chapelle Saint-Sébastien, quelques précisions sur les chapelles peintes des Alpes-Maritimes :
Les chapelles peintes des A.M sont édifiées entre le milieu du XVe et milieu XVIe siècle. Il y en a une vingtaine dans le département. On en trouve aussi au Piémont et en Ligurie.
A partir du XVIe siècle, les critères esthétiques changent. Les chapelles sont transformées, badigeonnées, abandonnées. On s'y intéresse depuis 40 à 50 ans.
Certaines chapelles ont subi des restaurations plus ou moins contestables.
Leur architecture est sobre : rectangulaire, chevet carré.
A l'origine, la chapelle est ouverte, sert de refuge. On distingue sur la chapelle Saint-Sébastien, l'arche d'origine. Il n'y a généralement, ni sculptures, ni vitraux, seulement des peintures. Sur le chevet, le saint patron, sur la voûte et les murs, les scènes narratives. Souvent, le registre du bas est réservé aux représentations des vices et des vertus.
La technique de peinture est le plus souvent à la détrempe, en liant les pigments avec des colles en solution aqueuse. La chapelle Saint-Sébastien est la seule a avoir bénéficié de la technique de la fresque qui est le fait de peindre sur un enduit qui n'a pas encore séché, ce qui permet aux pigments de pénétrer dans la masse, et donc aux couleurs de durer plus longtemps qu'une simple peinture en surface sur un substrat.
Les chapelles se trouvaient sur les chemins fréquentés - route du sel - à proximité des villages, à l'époque, animés. Elles servaient d'abri et de refuge, avaient une fonction éducative, incitaient les gens à suivre l'éthique chrétienne par les scènes, tirées d'évangiles apocryphes ou de la Légende dorée. Elles avaient un rôle protecteur, se situaient à l'entrée des villages pour les protéger des fléaux de l'époque : famines, épidémies, guerres.
Bien que les artistes soient souvent anonymes et les peintures de qualité variable, deux grands peintres se distinguent :
- Giovanni Baleison, dont la peinture de style gothique international laisse une impression de calme, de sérénité.
- Giovanni Canavesio dont la peinture donne un aspect dramatique, du mouvement.
Ci-dessous, deux jolies balades dans les chapelles peintes des A.M et la troisième dans la chapelle Saint-Sébastien, en images et musique, par Odile Lacaille d'Esse, à qui nous devons aussi les explications ci-dessus.
Chapelles peintes des Alpes Maritimes
Quelques chapelles peintes de l'arrière-pays niçois : fin XV et début XVI s.
https://www.youtube.com/watch?v=BUlS0ObLgGw&list=PLnk8SynChSlNGAFk6crVeEimT5s_PNWsw&index=9
Chapelle peinte de Peillon. Peintures attribuées à Giovanni Canavesio.
https://www.youtube.com/watch?v=utm7DKqxthA&list=PLnk8SynChSlNGAFk6crVeEimT5s_PNWsw&index=1
Chapelle Saint-Sébastien de Coaraze. Fresques du début du XVI siècle.
https://www.youtube.com/watch?v=bppblqXuQT0&index=4&list=PLnk8SynChSlNGAFk6crVeEimT5s_PNWsw
La chapelle Saint-Sébastien est placée sur le chemin allant de Châteauneuf-Villevieille à Coaraze. C'était une voie importante, construite aux environs de 1500 qui permettait de transporter le sel nécessaire aux animaux et à la conservation des aliments par caravane de mulets.
A l'époque, les villageois se plaçaient sous la protection de saints protecteurs de la peste, comme saint Sébastien, saint Roch et sous celle de saints guérisseurs comme saint Blaise. Les chapelles se situaient sur la route de part et d'autre du village pour protéger celui-ci.
La chapelle a été restaurée en 1914, mais grâce aux relevés effectués par la famille Mossa quelques temps auparavant, on a pu constater que les changements furent minimes.
Dans les chapelles peintes, le bas des murs est occupé par la frise des Vices, à gauche, et des Vertus, à droite. La frise des Vices a disparu. Des Vertus, il ne reste qu'un panneau difficilement interprétable.
Au-dessus, deux scènes avec saint Sébastien qui représentent l'arrachement du corps au cloaque et le transport du saint vers la maison de sainte Lucine.
Le chevet illustre le martyre de saint Sébastien, accompagnés par sainte Lucie et sainte Ursule. Peinture émouvante, où l'on amorce le passage de la peinture médiévale à celle de la Renaissance. C'est le début de la perspective.
Cependant, si l'on inverse le sens des flèches, saint Sébastien "rayonne". A Rome, l'église Saint-Sébastien est construite sur l'emplacement d'un temple dédié à Apollon. Dans la mythologie, la lyre - que l'on retrouve à plusieurs reprises sur la voûte - est associée à Apollon. Doit-on y voir une reprise de la mythologie païenne ? Saint Sébastien est le seul saint représenté dénudé. Serait-ce pour en faire un Apollon ?
Derrière sainte Lucie, peut-être une représentation du château de Nice...
Sur la voûte, d'énigmatiques dessins et symboles : lyres, dragons, cheval ailé, dauphins, oiseaux, chandelier à 7 branches, caractères hébraïques antiques. Elle est parcourue par un labyrinthe construit autour de svastikas et de lemniscates (8 couché, symbole de l'infini) que l'on peut interpréter comme un cheminement de la vie dont on ignore la fin ?
Les décorations en forme de 4 pourraient être une reprise du signe que l'on traçait sur les portes pour se protéger de la peste en cas d'épidémie.
Au centre du plafond, Dieu le Père, "à l'envers" car au lieu de bénir les pèlerins qui entrent dans l'église, il est tourné vers saint Sébastien. Il tient dans sa main une boule de pain... allusion à Moïse et à la manne lors de la fuite d'Egypte ?
En 1492, les Juifs sont chassés d'Espagne. Ils se sont disséminés le long de la Méditerranée. Le gouverneur de Nice, René de Tende, appelle aussi les Juifs expulsés de Rhodes pour repeupler Nice, vidée de ses habitants par l'épidémie de peste de 1494. Ils s'installent en 1502. Peut-être ont-ils décorés cette chapelle en essayant de transmettre de façon codée leur culture... La fresque est datée d'environ 1500.
Beaucoup de questions et d'hypothèses autour de cette chapelle, et un livre pour en découvrir tous les aspects. N'hésitez pas à vous le procurer :
L'un de ses auteurs, Michel Borsotto, notre guide, nous invite à réfléchir au sens de ces peintures et à lui faire part d'éventuelles interprétations. L'enquête reste ouverte, vous pouvez y participer en laissant vos suggestions dans les commentaires de cet article, en bas de page.
Si vous souhaitez visiter la chapelle, voir les infos ci-dessous :
Nous laissons saint Sébastien "rayonner" dans sa chapelle pour nous diriger vers Coaraze, le "Village du soleil"... Coïncidence...?
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- COARAZE
Classé parmi les plus beaux villages de France, Coaraze, perché à 650 mètres, est appelé le village du soleil. La route qui mène au village date de 1876. Avant on y accédait par un chemin au pavage ancien que nous empruntons à la suite d'Alain Ribière, notre guide.
Le village est construit sur la roche. Le tracé des rues semble suivre celui des chemins anciens, comme si l'on avait édifié les maisons le long des sentiers.
Le village a connu plusieurs remaniements. Ici, une arche comblée se perd dans le mur...
Là, les portes d'origine étaient des arches beaucoup plus grandes.
Une ruelle fleurie débouche sur la "plaça dau portal savel".
C'était la place principale de l'époque médiévale. Elle accueillait l'assemblée du village. Là, les villageois exposaient leurs revendications. Des procès avaient lieu ici.
Aujourd'hui, la place est consacrée au bien-être animal...☺
Dans la ruelle couverte qui amène à la place Giordan, le superbe linteau de la Maison du Forgeron...
La place Giordan est aujourd'hui la plus grande place du village. C'est elle désormais qui héberge manifestations, événements, spectacles et concerts. Elle est dominée par la vieille école perchée au 3ème étage d'une maison et par l'église.
Le mur qui la borde a été créé au XIXe siècle et expose quelques œuvres d'art.
On y trouve aussi des cadrans solaires. Les cadrans solaires sont nombreux à Coaraze, éparpillés dans tout le village et créés par des artistes célèbres : Cocteau, Valentin, Mona Christie, Doukine, Ponce de Léon, Henri Goetz, Ben, Sosno, Barré, Moya, Maccheroni.
Avant de partir, une pensée pour Mauris, le troubadour du pays, et pour le poète Alain Pelhon...
Terminons la visite par une balade en images et musique dont Odile, l'organisatrice de cette sortie, a le secret :
Village perché de l'arrière-pays niçois. Un des "plus beaux villages de France"
https://www.youtube.com/watch?v=99lxXGg8O_o&list=PLnk8SynChSlNGAFk6crVeEimT5s_PNWsw&index=3
Un immense merci à notre organisatrice, Odile, et à tous les intervenants passionnés :
Anne-Marie Dubois et son sympathique voisin - dont je continue à chercher le nom - qui nous ont fait découvrir le bel hameau de Roquebillière...
Michel Borsotto qui nous a initiés aux mystères de la chapelle Saint-Sébastien...
Alain Ribière qui nous a si bien raconté Coaraze...
N'hésitez pas à laisser des commentaires, à signaler les éventuelles erreurs, et surtout, à proposer votre interprétation quant aux énigmatiques fresques de la chapelle Saint-Sébastien !
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Pour avoir des informations sur le CHAAM et ses activités, vous pouvez consulter le site Archéam et la page Facebook dont les liens respectifs sont ci-dessous :
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