15 décembre 2013, sortie avec le CHAAM pour découvrir deux édifices religieux.
Cliquer sur les photos pour les agrandir.
NOTRE DAME DU BRUSC
Située sur la commune de Châteauneuf de Grasse, Notre Dame du Brusc est une chapelle paléochrétienne et médiévale. L'édifice est composé d'une église, d'une crypte construite sur une source intermittente et d'un baptistère.
Le site, plateau occupé par l'homme depuis 3000 ans, est dominé par les collines d'Opio, de Châteauneuf. L'eau de la source jaillissait lorsque les pluies alimentaient la nappe phréatique au printemps et à l'automne. La racine "Br" du mot "Brusc" signifie "eau" dans les langues indo-européennes.
- Histoire de la découverte :
En 1956, un épisode de froid a gelé les oliviers de l'exploitation agricole installée sur le site. Lors de l'arrachage des souches, des vestiges furent découverts, dont l'analyse laisse supposer la présence d'une grande propriété gallo-romaine.
La crypte fut mise à jour au début des années 1960, le baptistère en 1968.
Entre 1958 et 1961, les fouilles ont ramené une cinquantaine de vases du Bronze Moyen, des vestiges chalcolithiques (âge du cuivre, -3000 à -2000 ans), du matériel néolithique (-6000 ans), des céramiques de l'époque romaine, des monnaies, des ossements brûlés en faveur d'une nécropole avant le christianisme.
- Reconstitution de l'histoire du lieu :
Du fait de la présence de la source intermittente, on peut penser que les populations païennes ont sacralisé le site. Lorsque apparaît le christianisme, la crypte est édifiée sur la source sacrée.
D'autre part, à l'époque romaine, ce lieu était une grande exploitation agricole. Il est probable que les riches propriétaires firent construire une petite chapelle au début du christianisme.
La présence du baptistère en milieu rural isolé est unique en Provence et reste énigmatique. On suppose que cette grosse exploitation romaine drainait du passage, du commerce. À l'ère chrétienne, les gens pouvaient ainsi se faire baptiser.
- LA CHAPELLE
Édifiée sur l'église paléochrétienne, elle date du XIème siècle. Détruite lors des guerres de l'époque, elle fut reconstruite au XVIIème siècle.
On peut apercevoir les vestiges de l'église primitive à travers une vitre au sol.
On y trouve une stèle romaine, dédiée à "Lucius Hilarius Paternus, fils incomparable".
- LA CRYPTE
Elle date du Vème siècle.
Construite sur la source qui suinte encore après quelques jours de pluie, elle présentait une voûte en deux parties. L'espace qui en résultait débouchait dans la chapelle au-dessus. Lors de cérémonies mystérieuses, les officiants célébraient le culte dans la crypte pendant que les fidèles, dans la chapelle, l'écoutaient sans en voir le déroulement. Aujourd'hui, la partie manquante a été bétonnée par les Monuments Historiques.
Là aussi, on trouve une pierre romaine gravée, posée tête en bas, datant du IIème ou IIIème siècle.
- LE BAPTISTÈRE
Il date du VIème ou VIIème siècle.
La présence de ce baptistère prouve l'importance de ce lieu de chrétienté et de la christianisation de la région. Le baptême paléochrétien était destiné uniquement aux adultes. La cérémonie était pratiquée pendant la semaine de Pâques, par immersion totale et nudité. La personne ôtait ses vêtements païens et s'habillait de vêtements chrétiens à l'issue de la cérémonie. C'est l'évêque qui baptisait les fidèles.
Au fil du temps et de la pudeur grandissante, le baptistère rétrécit. On n'y met plus que les pieds.
On devine un petit bassin carré complètement en ruines à côté du premier baptistère. Il date de l'époque carolingienne qui correspond au rite de l'infusion (on verse de l'eau sur la tête).
Aujourd'hui en plein air, ce baptistère était autrefois à l'abri. Des murs, à droite et à gauche de la cuve, datent de la même époque.
Un contrepoids de pressoir et une cuve cinéraire sont utilisés pour la construction d'un pilier externe.
Le contrepoids atteste de l'activité agricole du lieu.
La cuve cinéraire du IIème siècle, début des rites d'incinération, était encore en place dans l'église d'après un document de 1628. Elle possède deux compartiments :
- à gauche, celui de l'épouse, Numidia Marcella, sur lequel le mari a fait inscrire "épouse qui a bien mérité de lui".
- à droite, celle du l'epoux.
À côté de l'église, un autre contrepoids de pressoir.
La visite de Notre Dame du Brusc se termine. Dehors, soleil, feuillages d'automne et pique-nique sous les oliviers nous attendent.
Nous quittons les oliviers de Notre Dame du Brusc pour les cyprès de Notre Dame de Vie.
NOTRE DAME DE VIE
Située à 200 m. d'altitude sur la commune de Mougins, Notre Dame de Vie, sanctuaire à répit, est portée sur une carte du XVIIIème siècle, à la croisée de deux chemins et près d'une source.
Elle se compose d'un chœur, une nef, un porche, un clocher-tour, édifié au XIème siècle, jonction entre la nef et le chœur. Un ermitage construit vers 1613 est aujourd'hui un musée.
- Un peu d'histoire :
Elle fut donnée en 1083 à l'abbaye de Lérins. Une bulle du pape Alexandre IV en 1259 confirme que le Castrum de Mougins et ses trois églises, Saint Jacques (qui se trouve actuellement dans le village de Mougins), Saint Martin et Sainte Marie (actuelle Notre Dame de Vie) sont des possessions de l'abbaye. Les historiens pensent que Notre Dame de Vie était la première église paroissiale de Mougins.
En 1519, elle est désignée sous le nom de Notre Dame de Villevieille.
En 1634, l'évêque de Grasse évoque l'église, le jardin, mais ne précise pas l'implantation d'un cimetière.
En 1635, il est fait mention d'une donation de 3000 livres si la communauté installe des religieux, installation qui n'aura jamais lieu car en 1636 les îles de Lérins sont envahies par les Maures.
Un document de prix fait pour travaux du 3 avril 1655 prévoit l'agrandissement de la chapelle de 1,50 m. environ.
- LA CHAPELLE
La chapelle, aux tendances baroques, abrite de nombreux ex-votos.
Du XVIème au XVIIème siècle, des pèlerinages appelés romérages ont lieu une fois par an, le 15 août, fête de Marie. On porte une statue ou des reliques, on rend hommage par la bravade (tir de mousquet).
Au XVIIème siècle, les pèlerinages prennent une autre forme, l'église devient un sanctuaire à répit.
Un ex-voto de 1670 demande la protection des cultures, sans doute après la tempête du 6 août 1668 qui ravagea les vergers, abattant les fruits sous d'énormes grêlons.
On peut admirer deux grands tableaux, un autel dédié à Saint Joseph, un vestige dans un mur...
- SANCTUAIRE À RÉPIT
À la fin du XVIIème siècle, début XVIIIème, l'église devient un sanctuaire à répit, haut lieu de culte du pays grassois, et prend le nom de Notre Dame de Vie. Le premier document mentionnant ce nom date de 1656.
Le répit découle du concept de purgatoire. Ce dernier apparaît vers la deuxième moitié du XIIème siècle en même temps que la notion de limbes des enfants, lieu recevant les âmes des enfants morts sans baptême, essentiellement les enfants morts-nés.
Les limbes des enfants posent deux problèmes :
- En restant dans les limbes, ils ne verront jamais Dieu.
- Au jour du Jugement Dernier, ils finiront en Enfer.
Au XVIIème siècle, pour remédier à ce destin insupportable, on emmène les enfants morts-nés à Notre dame de Vie, où la Vierge intervient pour les ressusciter quelques instants, le temps de les baptiser. Au début, le répit se pratique sur le lieu de l'accouchement, puis viennent ces pèlerinages particuliers.
Pour savoir si le miracle se produit, on observe l'enfant, s'il change de couleur, s'il émet un bruit. Au moindre signe "de vie", le curé le baptise et l'enfant est ensuite enterré, de préférence aux abords de l'église, dans le cimetière de l'ermitage. Les restes des petits corps sont aujourd'hui transférés sous une même dalle, sous la protection de la Vierge à l'Enfant, avec l'épitaphe "Ici reposent des petits innocents morts dès leur naissance. R.I.P"
Cette pratique est entérinée par l'évêque de Grasse en 1669 lors d'une visite pastorale.
Devant la douleur des familles, il arrivait même que l'on déterre des enfants morts depuis plusieurs jours, ou que l'on amène des enfants mutilés lors d'une naissance aux forceps de l'époque pour les présenter au sanctuaire. Le répit est très répandu dans les villes au XVème siècle, puis il devient rural.
Après un répit, les parents remercient la Vierge en offrant un ex-voto.
Le 5 septembre 1730, une ordonnance de l'évêque de Grasse condamne le répit.
Leur nombre diminue vraiment dans la seconde moitié du XVIIIème siècle quand la curie romaine interdit ces pratiques, mais certaines persistent jusqu'au début du XXème siècle.
Les sanctuaires à répit ont fonctionné de la fin du XIIIème siècle à la 1ère Guerre Mondiale principalement en Flandre, Picardie, Alsace, Lorraine, Bourgogne, Savoie, vallée d'Aoste, Provence et Auvergne. On en compte également plusieurs dizaines en Belgique, au sud de l'Allemagne, en Suisse, en Autriche et en Italie du Nord.
- LE MUSÉE
L'ancien ermitage abrite le musée "Le Trésor de Notre Dame de Vie" qui retrace l'histoire singulière de la chapelle, des vestiges gallo-romains trouvés sur le site, ainsi qu'une collection de photos de Picasso prises par Lucien Clergue.
(Picasso vécu dans le Mas Notre Dame de Vie voisin du sanctuaire de 1961 à 1973)
La visite s'achève. Derrière l'église, un vestige de colonne romaine converse avec l'étoile de David sous la protection d'une croix...
... de l'autre côté, des photos de tableaux peints par Winston Churchill et Maurice Gottlob font écho au sanctuaire.
C'était la dernière sortie de l'année 2013, un somptueux cadeau de Noël !
Un grand merci aux organisateurs et mes meilleurs vœux à tous !
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