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Dimanche 11 septembre 2017
Visite guidée de La Brigue par Bénédict Lacavalerie : village, collégiale Saint-Martin, rucher, chapelle Notre-Dame-des-Fontaines et ses fresques du XVe s.
Visite à Tende de l'exposition temporaire du musée des Merveilles : IACTATIO. Rites et offrandes pour franchir le col de Tende dans l'Antiquité.
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LA BRIGUE
L'histoire en quelques dates :
- Dans la seconde moitié du XIe siècle, les comtes de Vintimille ont souscrit des libertés aux habitants, paysans libres et guerriers.
- 1261 : les comtes de Vintimille ont perdu Vintimille, se sont repliés dans la Roya. Guillaume-Pierre épouse Eudoxie Lascaris, fille de Théodore II Lascaris-Doukas-Vatatzès, empereur d'Orient à Nicée, et Hélène, princesse de Bulgarie. Il obtient de rajouter le nom de Lascaris à son nom.
- 1358 : séparation de la branche des Lascaris-Vintimille de Tende et des Lascaris de La Brigue. Le comte Ludovic Lascaris, seigneur de la moitié de Limone, premier seigneur de la Brigue en 1376, et marié avec la belle Tiburge, fille d'Astruge, marquise de Beuil, construit le château de La Brigue qui est une résidence et non un ouvrage défensif.
-1388 : Dédition du Comté de Nice à la Savoie. Tende reste à la Provence, La Brigue passe à la Savoie. La région devient une zone frontière. Un axe de communication est mis en place entre le Piémont et la mer.
- 1581 : le comté de Tende est acquis par la Savoie.
- 1671 : conflit entre la Savoie et la république de Gênes.
- 1794 : les troupes révolutionnaires françaises investissent La Brigue
- 1860 : le comté de Nice et la Savoie passent à la France. La Brigue, bien qu'ayant voté le rattachement à la France restera à l'Italie.
- 1945 : La Brigue est libérée, un plébiscite spontané demande le rattachement à la France, mais la ville sera officiellement remise aux autorités italiennes.
- 1947 : Traité de Paris : La Brigue devient française.
La Brigue est située dans une vallée, en plaine, avec une grande capacité agricole. On y cultivait une pomme de terre appellée la Brigasque, des arbres fruitiers, des vignes. En 1968, on y faisait encore du vin.
Il y avait aussi l'élevage de mouton. La brebis, la Brigasque, est une race ovine. On la retrouve d'ailleurs dans la collégiale Saint-Martin de La Brigue.
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LA COLLÉGIALE SAINT-MARTIN
La collégiale Saint Martin (une légende rapporte que Saint Martin de Tours aurait prêché à La Brigue) a été construite entre 1484 et 1509. Elle a été ouverte en 1501 comme le montre le linteau du portail principal. La collégiale Saint Martin de construction romane fut démolie à la fin du XIV siècle (peut-être à la suite d'une inondation ou d'un incendie) et entièrement rebâtie en style roman lombard. Mais l'édifice médiéval fut entièrement "baroquisé" au XVIIe siècle et avant même cette date, il avait recueilli des retables et tableaux de la Renaissance niçoise.
Quelques tableaux...
Le personnage à droite est représenté avec une mitre d'évêque et un manteau orné de fleur de lys, emblème royal. Il s'agirait de saint Louis de Toulouse, évêque, mais aussi petit-neveu de Saint Louis, roi de France.
L'orgue monumental de 1849 a des allures de théâtre. Il servait aussi à faire de la musique, des concerts. C'est un instrument complet : on y trouve une grosse caisse, une bombarde, des campanelles et rossignol...
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Plus de détails sur la collégiale saint-Martin en suivant le lien ci-dessous :
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LES CHAPELLES DES PÉNITENTS BLANCS
Il y a deux chapelles de Pénitents Blancs à La Brigue : la chapelle de l'Assomption, chapelle des Pénitents blancs d'en-bas qui a servi d'église quand la population de La Brigue a été moins importante et la collégiale Saint-Martin devenue trop grande, et la chapelle des Pénitents blancs d'en-haut, utilisée comme musée d’art religieux ; on y trouve les plus importants reliquaires de la paroisse, des vêtements liturgiques et les ex-voto du sanctuaire Notre-Dame des Fontaines.
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LES LINTEAUX
On trouve sur la façade latérale de la collégiale l'un des plus vieux linteau de Ligurie et du comté de Nice. Il est daté de 1234, c'est une pierre de réemploi provenant peut-être de la première église de la Brigue.
Dans le village, d'autres linteaux...
"Que cette maison subsiste jusqu'à ce que la fourmi absorbe le fleuve et que la tortue ait fait le tour de la Terre."
Les linteaux de Tende sont fait en pélites vertes, le Vert de Tende. Une carrière située entre La Brigue et Tende a fonctionné jusque dans les années 70.
Les linteaux de La Brigue sont en schiste noir. La Brigue avait aussi sa carrière.
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LE CHÂTEAU
Le corps central date du XIVe siècle, la tour du XVe. Le château a probablement été construit par la main d'œuvre locale et ne présente aucune fonction militaire.
A cet endroit se trouvait le pont-levis...
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L'APIÉ, "MAISON DES ABEILLES" OU "CA D'ARBINE"
... dans la haute vallée de la Roya, les habitants de la Brigue et de Tende ont eu l'idée d'emmurer eux aussi leurs abeilles ou plutôt d'abriter les ruches dans des enclos en pierre qu'ils ont baptisé maisons des abeilles. Même si certaines maisons des abeilles ont été construites dans la Tinée et la Vésubie, c'est la vallée de la Roya qui présente une concentration extraordinaire de ces enclos, vrais sanctuaires mais aussi cénotaphes des abeilles qui étaient étouffées en fin de saison pour effectuer la récolte. Environ cent maisons des abeilles, un cas unique et extraordinaire dans l'architecture rurale, ont été bâties dans cette vallée, de la fin du 16e au XIXe siècle.
Les photos de Ca d'Arbine par Denis Solaro sur le lien ci-dessous :
Des explications sur les ruchers :
Quelques liens sur La Brigue :
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NOTRE-DAME-DES-FONTAINES
Surnommée la "Chapelle Sixtine des Alpes du Sud" cette chapelle est entièrement décorée de peintures murales de 1491- 1492 . Les décors retracent la vie de la vierge dans le chœur et celle du Christ en 25 tableaux (220 m2) sur les murs latéraux. Ces chefs-d’œuvre sont respectivement de Giovanni Baleison et Giovanni Canavesio, tous deux peintres originaires du Piémont.
Les panneaux décrivent la vie de Marie et l'enfance de Jésus, ainsi que le Cycle de la Passion et le Jugement dernier.
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Certains épisodes ne sont pas dans les Évangiles. Sur le panneau ci-dessous de LA FUITE EN ÉGYPTE un ange courbe une branche de palmier pour que la Vierge mange des dattes.
En bas, à gauche, les bœufs labourent un champ de blé mûr. Cette histoire est tirée d'un texte exclus d'utilisation par l’Église. La légende raconte que les soldats demandent au paysan s'il a vu le couple qu'ils poursuivent. Le paysan répugne à mentir mais un miracle arrive : le blé à peine semé mûrit d'un coup. Le paysan peut répondre sans mentir que le couple est passé pendant qu' il semait son blé.
Certaines représentations sont fantaisistes. Dans le panneau de L'ADORATION DES MAGES, le long cou des chameaux en arrière-plan en haut, à gauche de l'image, est à mi-chemin entre le cygne et la girafe.
Dans le panneau LE RENIEMENT DE SAINT PIERRE, saint Pierre est représenté deux fois.
Dans la scène de la CRUCIFIXION, les noms des larrons sont inscrits sur leurs croix : Dimas, le bon larron, et Gesmas, le mauvais larron. Ces noms apparaissent dans l'Évangile de Nicodème, mais ne sont pas reconnus par l'Église.
"C'était déjà presque midi, et il y eut des ténèbres sur tout le pays jusqu'à trois heures de l'après-midi. Le soleil s'obscurcit et le voile du temple se déchira par le milieu." - Luc
Dans le ciel, la lune et le soleil sont présents en même temps.
En bas de l'image, on voit des personnages jouant aux dés qui s'entretuent car l'un d'eux a triché : l'un des dés est faux car la somme des nombres situés sur les deux faces opposées n'est pas égale à 7.
A l'époque, les femmes étaient voilées, sauf les prostituées. Marie-Madeleine est tête nue au pied de la croix. A droite, le superbe chevalier représenterait Honoré Lascaris car c'est lui qui serait à l'origine de ces fresques.
Les circonstances ayant conduit à la réalisation de cette œuvre majeure, les fresques de la Passion et du Jugement dernier, sont obscures et compliquées. En 1474, le comte de Tende, Honoré, de l'illustre famille Lascaris, fut empoisonné par son intendant. Sa veuve, Marguerite, accusa ses cousins, seigneurs de La Brigue, Pietrino et Barthélémy, d'être les commanditaires du crime. En 1483, elle réussit à mettre la main sur Pietrino qui fut emprisonné et torturé. Les Brigasques demandèrent humblement la libération de leur seigneur que Marguerite leur accorda en principe contre 800 florins d'or, somme exorbitante pour cette modeste communauté. Soudainement, et pour des raisons mystérieuses (certains pensèrent qu'elle n'était au fond pas fâchée de la disparition de son mari, voire qu'elle n'en était pas tout à fait innocente…), elle renonça à la rançon à condition que la paroisse embellisse la chapelle pour une somme équivalente. Le doyen du chapitre de la collégiale Saint-Martin, Don Bernardino, réunit la somme nécessaire (sans doute moins que les 800 florins !) par souscription et avec l'aide de la Banque de Gênes.
Cette thèse n'a pas pu être confirmée par des textes. L'historienne Sophie Kovalesky a fait des recherches dans les archives de la banque San Giorgio de Gênes et du fonds d'État. Dans son étude, elle a conclu « en l'absence actuelle de ces documents nous mettons en doute l'idée d'une commande passée par les Lascaris à Canavesio »4. Dans ce cas, les fresques de la chapelle auraient été exécutées grâce aux aumônes recueillies pendant les pèlerinages. Au moment de la restauration des peintures, en 1583, une inscription a été ajoutée sous la scène de la Crucifixion donnant le nom du peintre, PRESBYTERO IOANES CANAVESIO PICTORE, et la date d'achèvement, le 12 octobre 1492.
D'autres scènes...
... et un Judas pendu, grimaçant, éventré, avec des organes qui ressemblent à des abats de mouton et une âme qui s'échappe, happée par un diablotin à deux têtes, celle du bas crachant du sang...
Dans la scène du JUGEMENT DERNIER, le Christ avec à sa droite le Paradis, à sa gauche, l'Enfer. Au-dessous de lui, l'archange saint Michel qui juge les pécheurs. Les apôtres sont assis dans des stalles.
Dans le terrifiant Enfer, les raisons du châtiment sont notées au-dessus des groupes de damnés. On peut lire : usuriers, larrons, juifs. Ces derniers sont les plus proches du Christ...
Une autre scène terrifiante...
Notre-Dame-des-Fontaines surplombe des sources (qui seraient plutôt des résurgences d'après notre éminent géologue).
Des légendes y sont attachées :
À une époque lointaine, un jour de décembre, la montagne s'est mise à trembler. Toutes les sources se sont alors taries. Alors, la comtesse Eudoxie de Tende annonce, le jour de Noël, que les sources couleraient de nouveau si une chapelle expiatoire était construite. La chapelle est d'abord construite près du village, mais elle est détruite la nuit. La comtesse désigne le site en face des sources. Les sources se remirent à jaillir et on construisit la chapelle. Une des sources donne du vin pendant les travaux, mais qui se change en eau si on l'amène à la maison. Les sources ont un fonctionnement intermittent leur donnant un caractère merveilleux.
Plus de détails sur Notre-Dame-des-Fontaines en suivant les liens ci-dessous :
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TENDE
La journée se termine par la visite du musée des Merveilles qui présente une exposition temporaire :
IACTATIO. Rites et offrandes pour franchir le col de Tende dans l'Antiquité.
Pour en savoir plus sur les fouilles du lieu de culte d’époque romaine du col de Tende
voir le lien ci-dessous :
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Il est temps de rentrer, de laisser quelques sous pour franchir... le péage de l'autoroute !
Les dieux ne sont plus ce qu'ils étaient...
Un grand merci à Bénédict et au CHAAM pour cette journée divine.
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